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Mémorial de l’abolition de l’esclavage
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Le long combat
des abolitionnistes

Le long combat des abolitionnistes

La diffusion des idées abolitionnistes

En France, la Société des amis des Noirs, créée en février 1788 à l’initiative de l’abbé Grégoire et de Brissot, prend exemple sur les sociétés abolitionnistes qui, aux États-Unis et en Angleterre, ont été pionnières en la matière. Elle s’inscrit dans le courant des intellectuels qui défendent les principes d’universalisme de l’espèce humaine et annoncent la fin inéluctable du système esclavagiste. Comme l’attestent sa devise et son emblème, qui survivent à sa disparition en 1793, elle est particulièrement influencée par les démarches anglo-saxonnes : celles de William Wilberforce et de Thomas Clarkson lui servent de modèles. Comme eux, elle multiplie les publications et recourt aux images fortes pour véhiculer son message, s’appuyant sur la presse et profitant de la montée en puissance de l’opinion publique.

De la première abolition au rétablissement de la traite (1794-1802)

Le décret d’abolition voté par la Convention le 4 février 1794, s’il va plus loin que l’espoir d’une accession graduelle à la liberté défendue par les abolitionnistes, est le résultat conjugué des idéaux des Lumières et des événements qui marquent le début de la révolution haïtienne. En effet, cette dernière joua un rôle capital dans la décision de la Convention Nationale, les esclaves révoltés de Saint-Domingue ayant soutenu les troupes républicaines de Sonthonax en 1793. Pourtant, dans les faits, il fut peu, voire pas appliqué dans plusieurs colonies françaises, où la résistance des édiles locaux fut extrêmement forte. En Martinique, l’Assemblée insulaire refuse de l’adopter, avant que l’île ne tombe sous domination anglaise. À la Guadeloupe, après que l’île a été reprise aux Anglais, le décret est annoncé en même temps que l’organisation d’un travail contraint pour tous les anciens esclaves. À la Réunion, enfin, son application est aussi entravée. La période du Consulat (1799-1804) n’est guère plus favorable à son exécution, l’ambivalence des opinions demeurant une caractéristique constante. Le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte, par décret le 16 juillet 1802, sonne la fin de la première abolition et freine le mouvement engagé pour la colonisation de l’Afrique, les « habitudes » pouvant reprendre. Cette mesure est, évidemment, très attendue des acteurs économiques nantais qui n’ont pas totalement cessé leur activité négrière, car dès avant la promulgation des textes législatifs, plusieurs ont senti l’imminence de cette décision. L’esclavage n’est plus remis en cause jusqu’à la fin du Premier Empire. 

Nantes, de la traite illégale (1815-1831) à l’abolition de l’esclavage (1848)

On estime à cent mille le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants africains déportés à bord des navires français durant cette période. Nantes est redevenu, alors, comme il l’était au siècle précédent, le premier port de France dans ce négoce : entre 1818 et 1831, trois cent huit navires y sont armés pour les côtes africaines. Pourtant, le 8 janvier 1817, une ordonnance de Louis XVIII interdit l’introduction d’esclaves dans les colonies françaises, rendant à nouveau ce commerce illégal. Des peines sont prononcées à l’égard des capitaines, qui sont suspendus, les navires comme les cargaisons sont confisqués et des contraventions sont prévues. Mais l’ensemble de ces mesures ne s’attaque pas à l’organisation même du commerce, les armateurs n’étant pas réellement ni directement pénalisés. Les Nantais ne mettent donc pas un terme à ce trafic, le considérant comme le moyen indispensable de relancer l’économie maritime et portuaire locale. L’ordonnance étant peu appliquée, une loi abolitionniste est promulguée le 15 avril 1818, en reprenant pratiquement les mêmes termes. Toujours peu suivie d’effets dans les ports de la façade atlantique, la loi de 1818 est complétée d’une autre par Charles X, le 25 avril 1827, qui transforme la qualification de la pratique, jusque-là considérée comme un délit, en crime, mais sans plus de succès. Il faut attendre, sous Louis-Philippe, le 4 mars 1831, un nouveau texte législatif qui instaure des sanctions lourdes à l’égard des armateurs et des financiers, pour amorcer un changement réel, le durcissement des sanctions ayant raison des derniers avatars d’une pratique révolue. Les abolitions successives de la traite atlantique sous la Restauration n’auront d’effets qu’à partir de cette date.

Il faut attendre le 27 avril 1848 pour que l’abolition de l’esclavage soit décrétée. Aussi, durant toute la première moitié du 19e siècle, les abolitionnistes durent redoubler leurs efforts de conviction pour atteindre leur objectif. Ils n’y seraient sans doute pas arrivés sans le rôle majeur tenu par les esclaves eux-mêmes, qui ne cessèrent de s’insurger et de se révolter afin d’obtenir leur liberté. Leurs combats, particulièrement nombreux dans la première moitié du 19ème siècle, et souvent oubliés, furent déterminants.

Ce texte écrit par Krystel Gualdé est extrait de la publication L’abîme, Nantes dans la traite atlantique et l’esclavage colonial (1707-1831), Éditions du Château des ducs de Bretagne, 2021.

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