Sur le quai – Un parcours commémoratif

Sur les quais de Loire, entre le pont Anne-de-Bretagne et la passerelle Victor-Schœlcher, s’étend une promenade végétalisée de 7000 m2. Tout au long de cette esplanade sont réparties 2000 plaques de verre. 1710 rappellent le nom des navires et les dates de départ des expéditions de traite atlantique nantaises. Les 290 autres plaques indiquent les comptoirs, les ports d’escale et les ports de vente en Afrique, aux Antilles, aux Amériques et en Océan Indien. Au rythme de ses pas, le visiteur prend conscience de l’ampleur de cette tragédie.

Sous le quai – Un parcours méditatif

À partir de l’esplanade, un vaste escalier à ciel ouvert conduit le visiteur vers le passage souterrain. Il est accueilli par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, derrière laquelle s’affiche le mot Liberté, traduit dans 47 langues issues des pays touchés par la traite atlantique.
Lire les traductions du mot Liberté

Une fois dans le passage, le visiteur distingue à gauche la Loire entre les piliers de soutènement, à droite une immense plaque de verre qui court sur 90 mètres.

Elle porte une sélection de textes provenant de tous les continents touchés par la traite (Europe, Afrique, Amériques, Océan Indien), sur cinq siècles (du 17e au 21e siècle) : lois, témoignages, œuvres littéraires, chants, textes fondamentaux de l’abolitionnisme…, accompagnés par une bande sonore créée par Martin Gracineau.
Découvrir les textes du mémorial

À l’extrémité ouest du passage, quelques clés historiques et géographiques replacent la traite atlantique dans son contexte. Elles soulignent l’ampleur des faits historiques mais aussi la lutte contre l’asservissement hier et aujourd’hui.
Découvrir la chronologie des abolitions.

Découvrez l’ouvrage de référence sur le Mémorial de l’abolition de l’esclavage 

Un projet politique

Pour la Ville de Nantes, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage, témoignage d’une mémoire assumée et dépasse le cadre de l’histoire locale. Hommage aux millions de victimes de la traite et de l’esclavage à travers le monde, hommage à ceux qui se dressèrent contre ce crime, hommage aux luttes d’hier et d’aujourd’hui, il est porteur d’un message universel de solidarité et de fraternité. Ce monument, d’une portée internationale n’a pas vocation d’expliquer l’histoire. Il se veut être un point d’ancrage et de repère dans la construction d’une conscience collective refusant toute forme d’asservissement et affirmant la richesse et la diversité humaine.

Implanté sur le quai de la Fosse, lieu symbolique de la ville qui a vu partir de nombreux navires de traite atlantique vers l’Afrique, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage a ouvert au public le 25 mars 2012.

Il existe de nombreux monuments à travers le monde en souvenir des victimes de la traite et de l’esclavage ou commémorant l’abolition de l’esclavage. Le Mémorial de Nantes est le plus important d’Europe et l’un des plus grands au monde.

Nantes face à son histoire

Nantes fut le premier port de traite humaine français aux 18e et 19e siècles siècle. La ville fonda une partie de sa richesse sur cet odieux trafic, reconnu aujourd’hui comme crime contre l’humanité. C’est dans les années 1980 que des Nantais entament une démarche volontaire pour regarder l’histoire en face.

En 1992, l’exposition Les Anneaux de la Mémoire au Château des ducs de Bretagne présente au public pour la première fois ces faits historiques. Elle accueille près de 400 000 visiteurs.

Depuis, Nantes a poursuivi ce chemin de la mémoire retrouvée.

En vingt ans, il a été jalonné d’actions locales et internationales : coopération et jumelages avec des villes africaines et sud-américaines, soutien aux associations, organisation du Forum Mondial des Droits de l’Homme, ouverture de salles consacrées à la traite atlantique et à l’esclavage colonial au musée d’histoire de Nantes, ouverture de l’Institut des Etudes Avancées avec son approche originale des rapports nord-sud, etc.

En 2012, l’édification du Mémorial en hommage à tous ceux qui ont lutté, qui luttent et lutteront contre l’esclavage, vient clore un cycle et en ouvrir un autre : celui du présent et de l’avenir.

La genèse

En 1998, lors du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, le Conseil municipal décide d’édifier un monument commémoratif quai de La Fosse, suite à la destruction d’une sculpture commémorative.
En 2002, à l’issue d’un concours international, la Ville de Nantes retient la proposition de Krzysztof Wodiczko, artiste internationalement reconnu, associé à l’architecte Julian Bonder, très investi dans les relations entre la mémoire et l’espace public. Leur proposition : un cheminement méditatif sur le lieu symbolique des activités portuaires nantaises, le quai de La Fosse.
Le projet définitif est présenté en 2005 au Conseil municipal, l’équipe de maîtrise d’œuvre est choisie en 2006 et les travaux débutent en 2010.

Un projet artistique

En terme artistique, rappellent Wodiczko et Bonder, « la conception du Mémorial procède de deux gestes fondamentaux, dévoilement et immersion, qui ensemble servent à créer une expérience à strates multiples. »

Ce Mémorial ainsi conçu s’inscrit dans une double perspective. D’un côté, il est tourné vers une ville située au bord de l’estuaire de la Loire, situation marquée, soutenue pour ainsi dire, par des quais massifs, lesquels sont interrompus aux endroits où le fleuve a été comblé. D’autre part, il est lié à la mer, véhicule du commerce triangulaire transatlantique qui rendit la ville prospère. Le trait majeur de la situation géographique de Nantes étant son contact quasi intime avec la Loire, et par-delà l’Atlantique. Les marées de l’estuaire apportent un élément dynamique supplémentaire à la conception du Mémorial.

Les visiteurs descendent eux-mêmes « vers la mer » par un passage longeant le quai du 19e siècle, et se trouvent par endroits quasiment enfermés dans des sous-structures du 20e siècle rappelant l’extrême confinement du transport maritime.

Ces espaces communiquent également au visiteur la force émotionnelle de l’emprisonnement implicite et explicite dans le logement et le transport des esclaves.

Une immense plaque de verre inclinée à 45°, comme jetée au travers du Mémorial, célèbre la grande rupture que représente l’abolition de l’esclavage. Ce passage souterrain est le cœur du Mémorial.

En avril 2012, Julian Bonder et Kristof Wodiczko ont reçu la mention spéciale de l’European Prize for Urban Public Space, pour cette réalisation.

Wodiczko+Bonder

Wodiczko + Bonder est un partenariat né à Cambridge en 2003.

Krzysztof Wodiczko est artiste et professeur d’art et de design dans l’espace public à l’Université Harvard, à Cambridge dans le Massachusetts.

Julian Bonder est architecte et professeur à l’université Roger Williams à Bristol, Rhode Island.

Le partenariat Wodiczko + Bonder se focalise sur les projets d’art et de design qui concernent l’espace public et soulèvent des questions ayant trait à la mémoire sociale, à la survie, à la lutte et à l’émancipation dans le contexte de la violence urbaine et domestique, à la guerre et aux traumatismes d’après-guerre, à l’immigration et aux déplacements de population à l’échelle mondiale, à l’Holocauste et aux génocides, aux Desaparecidos (Argentine), à la guerre de sécession, et à l’esclavage historique et actuel.

L’espace public urbain constitue l’une des scènes les plus puissantes et les plus durables pour la communication et l’expression culturelle. La méthode de Wodiczko + Bonder s’appuie sur leur engagement en faveur de l’avancement du potentiel démocratique, de la vitalité et de l’utilité de cet espace à travers la création d’œuvres d’art et de design innovantes, transformatives et communicatives.