Le Voyage à Nantes
Estuaire
Les Tables de Nantes
Les Machines de l’île
Château des ducs de Bretagne
Mémorial de l’abolition de l’esclavage
Chargement
Logotype du mémorial
Portrait de Martine Thiané

Martine Thiané

Présidente de l'Association des Antillais et Guyanais de Loire-Atlantique

De quand date votre engagement dans cette association ?

« Je suis née en même temps que l’association, en 1946. A la fi n de la Guerre, beaucoup de militaires antillais, d’Afrique de l’ouest et d’Algérie se sont retrouvés à la caserne Mellinet, à Nantes, à attendre leur billet de retour ou leur affectation, s’ils n’avaient pas fini leur temps militaire. Parmi eux, il y avait des musiciens. Les Antillais ont créé un orchestre et le samedi soir ils allaient faire danser les belles Nantaises aux Salons Mauduit, qui étaient à ce moment-là un des plus grands salons de danse de la ville. C’est là que, comme beaucoup, mon père, Antillais, a rencontré ma mère, Vendéenne. Un petit groupe de ces nouveaux couples a d’abord fondé une amicale, pour se réunir et surtout s’entraider : conseils pour le travail ou sur des drames familiaux (des familles n’acceptaient pas que leur fille fréquente un Antillais, d’autant que certaines sont tombées enceintes sans être mariées…). Il y avait aussi dans cette diaspora antillaise des gradés qui voulaient faire valoir leurs droits juridiquement, notamment être reconnus comme résistants. Pour cela, ils ont créé une association. En 1950, l’amicale a été mise au JO sous l’appellation d’Association des Antillais de Loire-Atlantique. Dans les années 1980, des Guyanais nous ont rejoints et nous avons ajouté la Guyane à notre sigle. Mes parents étaient déjà dans l’association, si bien que j’y ai toujours baigné. C’est viscéral.

J’ai choisi la profession d’infirmière puéricultrice. J’aurais voulu être médecin mais pour mes parents c’était trop important, et l’école ne m’a pas encouragée non plus, car nous étions stigmatisés. C’est toujours un petit combat qui fait qu’on s’endurcit un peu. Je comprends les gens qui sont révoltés, même si je ne le suis pas. Je n’ai pas à rougir de mon parcours. Je me suis mariée à un Sénégalais parce que j’ai toujours aimé la culture créole, africaine. Il était pédiatre et nous avons passé 25 ans en Afrique pour travailler. Je revenais à chaque vacances à Nantes, puis définitivement en 2012, parce que mon mari était décédé et que mon père vieillissait. On m’a poussée à prendre la présidence. J’ai accepté en mémoire de mon père et d’une amie chère, décédée elle aussi. »

Quelles sont les actions d’AAGLA ?

« Nous avons un calendrier d’activités régulières. Nous tenons des stands de produits et plats antillais, par exemple aux Rendez-vous de l’Erdre ou à la Foire de Saint-Georges-de-Montaigu, où nous sommes toujours attendus avec impatience. Cette présence, souvent de longue date, fait que le vivre-ensemble porte ses fruits. Nous avons aussi des activités entre nous, comme les chants de Noël ou la Messe des défunts, mais j’aimerais que ce soit ouvert au public. Nous faisons aussi des ateliers de découverte du créole ou de jeux antillais. Les anciens ne voulaient pas entendre parler de la Mairie, on ne se mêlait pas aux autres associations, sauf lors de catastrophes comme celle d’Haïti… Mon but en tant que présidente a été d’intégrer le tissu associatif de Nantes, de faire des activités avec d’autres associations et de prendre un tournant plus culturel.

Le précédent président a fait partie du comité de conception du Mémorial de l’abolition de l’esclavage. Ça a été une lutte de 10 ans pour vaincre la résistance de certains Nantais… AAGLA était aussi présente aux marches en 1998. Quant à la journée commémorative, je n’étais pas là au début, mais en 2012, quand s’est créé le Collectif du 10 mai, nous avons travaillé ensemble pour préparer un programme uni, et nous sommes toujours investis depuis. »

Propos recueillis par Pascaline Vallée en mai 2022