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Portrait de Rodolphe Hountondji

Rodolphe Hountondji

Ingénieur informatique, président des Béninois et Amis de Nantes

« J’ai 43 ans et je suis père de trois enfants. J’ai fait mes études supérieures à Nantes et Rennes. Je fais partie des membres fondateurs de l’association Béninois et amis de Nantes, créée en mai 2016. L’association est née pour promouvoir la culture béninoise, oeuvrer pour le Bénin en faisant des actions caritatives, tisser des liens entre les métropoles nantaise et béninoise, et aussi pour créer de l’entraide avec les Béninois qui s’installent à Nantes, en tant qu’étudiants ou en famille. Pour qu’ils se rencontrent, nous organisons chaque année le Kwabo (en langue fonça veut dire ‘bienvenue’), en général en novembre. En amont, nous collectons pour eux des ustensiles de cuisine et tout ce qui peut aider au quotidien. Nous avons aussi des partenariats pour des petits jobs avec certaines entreprises, auprès de qui nous nous portons garants. Les jeunes viennent étudier mais ils doivent aussi pouvoir payer leur loyer, se nourrir… Pour les fêtes de fin d’année, nous demandons aux familles déjà installées qui le peuvent d’accueillir ces nouveaux jeunes ou familles, partager avec eux un bon moment.

En dehors de ça, la plupart de nos actions sont assez spontanées, ça dépend des périodes et de nos interlocuteurs. Pendant la période Covid, nous avons confectionné des masques avec des couturiers au Bénin, donné des pains de savon… »

Retour sur l’exposition Phoenix, qui relie la France, le Bénin et la Guadeloupe présentée en 2022. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

« Phoenix ne retrace pas l’histoire de la traite dans sa globalité, mais montre ce qui en est resté, ce que les gens en ont fait. La mémoire c’est bien mais il faut se documenter pour connaître l’Histoire, savoir d’où c’est parti et pourquoi on en est là. L’esclavage n’est pas né tout seul, c’est le fruit d’une réflexion, d’une philosophie. Quand vous allez en Afrique aujourd’hui, les gens en sont encore tellement marqués que même leur culture a du mal à émerger, car elle n’est pas reconnue. Pour moi, personne ne devrait se sentir supérieur aux autres car nous sommes tous des êtres humains.

Comme il est particulièrement important que les jeunes d’aujourd’hui s’en rendent compte, nous avons associé des enfants à l’exposition. A l’école on n’en dit pas suffisamment sur ce sujet. Je ne revendique pas grand chose, mais je souhaiterais que de la même manière qu’on parle de la Shoah et d’autres événements, l’esclavage soit aussi évoqué. Aujourd’hui au Bénin il y a la Route des esclaves. Nous avons fait ce chemin avec des enfants des écoles là-bas et montré le résultat à des enfants ici, afin de tisser un lien. Je pense qu’une photo sera toujours plus évocatrice que tous les livres. Nous avons aussi associé une bande sonore qui explique un peu le processus. »

Avez-vous un souhait à partager ?

« Je voudrais que les gens se documentent. Par exemple, on ne peut pas vouloir l’électricité sans se demander d’où vient l’uranium. Personne ne parle des problèmes de santé liés à l’extraction de l’uranium en Afrique. Et puis il y a beaucoup d’idées reçues. Quand j’étais étudiant, on s’étonnait que j’ai eu le permis au Bénin. Ma fille, dans sa classe de Terminale, est la seule Noire. On lui demande si au Bénin il y a des chaises à l’école… Il doit y avoir un éveil de conscience, à Nantes comme au Bénin. A l’école là-bas on étudie la France, les deux guerres, les saisons de la France… Comment vous pouvez expliquer à un enfant l’hiver alors qu’il ne l’a jamais connu ? »

Propos recueillis par Pascaline Vallée en mai 2022