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Portrait de Vonjy Andrianatoandro

Vonjy Andrianatoandro

Président d’Hetsika

« Je suis originaire de Madagascar, arrivé en France dans les années 1980. J’ai fait mes études à Bordeaux avant de trouver mon travail ici. Pour m’intégrer, j’ai cherché à faire une activité qui m’était totalement inconnue et je me suis inscrit à un atelier d’écriture à Trentemoult, où j’habitais. J’ai géré pendant une dizaine d’années une association, Carpe Diem, par laquelle j’ai découvert pas mal de choses artistiques intéressantes. Quand nous avons dissout l’association, j’ai eu envie de mettre à profit mes compétences de management d’association et j’ai eu un déclic : pourquoi ne pas travailler pour Madagascar ?

En 2005, nous avons fondé Hetsika (qui signifie ‘Bouger’), pour promouvoir les arts et la culture malgaches. Depuis 2007, nous organisons un festival, Couleurs malgaches, qui réunit pendant trois semaines à Cosmopolis des expositions, concerts, ateliers d’écriture…Nous mettons un point d’honneur à rémunérer les artistes et intervenants, grâce à la Drac, et ils en sont souvent étonnés. Cette volonté a assis notre position auprès des intellectuels malgaches comme de la Ville. »

Pouvez-vous résumer les actions de l’association ?

« Nous avons d’abord des actions vers la diaspora, Nantais de coeur. Ce sont des cours de malgache, d’instruments de musique traditionnels, des expositions, des festivals, des présentations d’écrivains qui sortent de nouveaux livres… Notre marque de fabrique est de baser nos actions sur le ludique pour aller vers le compliqué. Une conférence est accompagnée au minimum par un film. Nous proposons de nombreux ateliers, des parcours où l’on fait de l’aquarelle ou du chant… Nous avons passé un cap important en 2012, quand le régisseur d’Angers Nantes Opéra nous a téléphoné, sur le conseil de la Ville de Nantes, pour que nous l’aidions à monter Carmen à Madagascar. Nous sommes entrés dans ce projet les yeux fermés, et puis Nantes nous a encouragés à continuer nos actions vers Madagascar, notamment en soutenant l’école de musique locale. Nous avons accompagné la création de l’orchestre national philharmonique malgache et nous sommes associés à une école de cirque depuis 2017… Depuis cinq ans, notre difficulté majeure est de maintenir nos actions ici tout en agissant là-bas, car nous n’avons pas de salarié. Nous essayons de nous recentrer sur la diaspora, qui est difficile à mobiliser, parce qu’elle n’est pas une communauté unie, mais divisée en plusieurs obédiences (catholiques, protestants, luthériens…) qui se réunissent entre eux le week-end. La nouvelle génération change la donne, elle a envie de connaître davantage son pays d’origine. Nous sommes inscrits dans plusieurs réseaux associatifs et militants, tout en étant un peu plus détachés que d’autres par rapport à l’histoire de l’esclavage. A Madagascar, il est admis qu’il y a eu des esclaves, importés et exportés. Peut-être que nos ancêtres aussi l’ont pratiqué, ça nous fait relativiser. »

Cette histoire de l’esclavage est-elle enseignée à Madagascar ?

« Oui, mais mal. Ce qui a été écrit dans les colloques ou par les universitaires ne descend pas jusque dans les écoles. Historiquement, il y a trois strates à Madagascar : les nobles, les « roturiers » et les esclaves. Depuis 200-300 ans, on écrit l’histoire des nobles et personne n’a osé faire celle des esclaves. C’est pour ça que nous devons écrire dans les années à venir cette histoire sensible. Avec un historien à Nantes, nous établissons une relation avec l’académie malgache, section Histoire et sociologie. Nous avons déjà organisé des visioconférences sur des thématiques difficiles, dont l’esclavage. Pour la plupart des gens, l’esclavage moderne n’existe pas, alors que beaucoup ont une bonne chez eux, dans des conditions qui restent des conditions de soumission. Nous devons travailler sur ces thématiques. »

Propos recueillis par Pascaline Vallée en mai 2022